En France, il a déjà transformé le Vieux-Port de Marseille, et la rive droite de Bordeaux. Il redessine désormais le visage du Grand Paris, en travaillant sur la tour Montparnasse, ou encore l’esplanade de La Défense. À l’étranger, son agence parisienne oeuvre à la reconstruction de Detroit et au développement XXL du Qatar. Architecte/Paysagiste de renommée internationale, Michel Desvignes a également oeuvre sur notre territoire à travers le projet de la Chaîne des Parcs. Aujourd’hui, il répond à nos questions et nous livre son regard sur l’évolution de notre territoire.

COMMENT DOIT-ON VOUS DEFINIR : ARCHITECTE ? URBANISTE ? PAYSAGISTE ?

Le mot le plus international : architecte/paysagiste. Il existe beaucoup d’ambiguïté sur la dénomination. Mon métier est d’apporter une contribution au dessin de ville. J’ai remporté le prix de l’urbanisme en 2011 et pourtant je suis profondément un paysagiste de prime abord. Cela veut donc dire que les paysagistes d’aujourd’hui contribuent au changement des villes.  

 

JUSTEMENT, EST-CE NOUVEAU DE FAIRE APPEL A DES PAYSAGISTES POUR AMENAGER UNE VILLE ?

C’est nouveau, oui, dans nos villes françaises. Mais le concept est ancien si l’on se base sur le modèle américain. Dès le début du 20e siècle, les Américains ont travaillé et pensé leurs villes avec des paysagistes, à travers la création de parcs, de coulées vertes… En France, la mentalité et la volonté politique étaient différentes. Il ne faut pas oublier non plus que notre pays a traversé deux guerres mondiales et les priorités n’étaient pas les mêmes. Aujourd’hui, la situation a évolué.

 

QUELLE EST L'EVOLUTION DES COLLECTIVITES EN MATIERE D'AMENAGEMENT URBAIN SUR CES TRENTE DERNIERES ANNEES ?

C’est une très bonne question. Il n’y a pas de moments-clés, je pense que ça s’est fait et ça se fait progressivement. Il y a eu de grands auteurs, dès les années 70, comme Michel Corajoud, ou encore d’autres personnalités qui m’ont inspiré et dont j’en suis un héritier. Nous avons rapidement compris que le paysagisme, ce n’était pas que l’art de créer des jardins. Il y a eu un changement radical avec la prise en compte de la géographie naturelle de nos villes, le retour de la nature en ville.

UNE VILLE N’EST JAMAIS TERMINÉE, C’EST UNE PERPÉTUELLE ÉVOLUTION.

LE RETOUR DE LA NATURE EN VILLE, C’EST UN SUJET DÉVELOPPÉ PAR DE NOMBREUSES COMMUNES, MÉTROPOLES, POURQUOI CE CHOIX ?

Cette sensibilité évolue dans notre pays avec une prise en considération de l’environnement, la protection de la nature, les démarches écologiques… De plus en plus de villes sollicitent des urbanistes ou paysagistes afin de remettre à jour les rivières, de mettre plus de végétation dans nos villes. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir faire ce que je voulais.

 

C’EST À DIRE ?

Contrairement aux Américains, nous ne fabriquons pas des villes, nous les transformons, nous les réparons, nous les densifions, nous les recomposons… Notre travail c’est de la recomposition. Malgré le contexte mondial, nous sommes dans une phase heureuse, on a le luxe de pourvoir recomposer nos territoires. C’est mon modèle : travailler à partir d’une géographie naturelle augmentée. Lorsqu’on se balade en ville, c’est agréable de pouvoir s’orienter, comprendre où est la vallée, c’est important pour vivre correctement dans ces villes.

 

NOUS CITONS LIÉVIN POUR SON CADRE DE VIE, SA TOPOGRAPHIE, VOUS COMPRENEZ ?

Bien sûr, et c’est une réalité. Aujourd’hui, nous constatons que votre commune est dans une phase de recomposition. Une ville n’est jamais terminée, ça se transforme tout le temps, en permanence, c’est une perpétuelle évolution. Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir réfléchir à la manière de vivre nos villes.

 

CE N’ÉTAIT PAS LE CAS AVANT ? 

Non, pour différentes raisons : politiques, sociétales, environnementales… Longtemps, nous avons étendu nos villes pour créer des périphéries. Personnellement, j’ai grandi près de Lyon et je souffrais beaucoup de voir nos villes sans aucune beauté, sans forme, sans espace public. C’était le parfait contraire de l’image de la campagne.

VOUS AVEZ UNE VILLE DE TRÈS BONNE QUALITÉ, CONTRAIREMENT À L’IMAGE QUE L’ON PEUT SE FAIRE LORSQU’ON NE CONNAIT PAS.

QU’EST-CE QUI VOUS A LE PLUS SURPRIS EN VENANT À LIÉVIN ET SUR LE TERRITOIRE ?

Sans aucun doute l’abondance végétale sur le territoire. Nous le voyons chez vous, à Liévin. La présence végétale très forte est déjà une transformation, regardez par exemple comment les cavaliers ont été colonisés par la végétation !

 

QUEL EST LE PROJET DE LA CHAÎNE DES PARCS ?

La chaîne des Parcs, c’est une expérience majeure. J’ai pu bénéficier d’un héritage de 40 ans de travaux et d’aménagement. Le regard extérieur que je portais était primordial car, forcément, on voit des choses que vous ne pouvez voir. La charpente paysagère était déjà présente à l’image des parcs américains. Aujourd’hui, la population a la chance d’avoir près de 4000 hectares de nature. Ce n’était pas gagné dans une région fortement industrialisée, qui n’est pas en bord d’une montagne ou d’un lac.

 

QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR L’ÉVOLUTION DE NOTRE TERRITOIRE QU’EST LE BASSIN MINIER ?

Vous avez un territoire, une ville de très bonne qualité, contrairement à l’image que l’on peut se faire lorsqu’on ne connaît pas. Vous avez un patrimoine reconnu mondialement, notamment avec les corons. C’est un trésor, de très belles constructions. Je sais qu’il existe un grand projet de réhabilitation, que certaines ne sont pas toutes isolées, je n’idéalise pas. Mais c’est quand même un vrai patrimoine.

 

ÊTES-VOUS-SATISFAIT DU RÉSULTAT DE LA CHAÎNE DES PARCS ET QUELLE PLACE TIENT LA VILLE DE LIÉVIN DANS CE PROJET ?

Oui car nous avons sur créer un arc vert autour de Liévin/Lens/ Loos-en-Gohelle. Lorsque je vois certains randonneurs sur le terril de Pinchonvalles ou long de la trame verte, je pense que nous n’imaginions pas ça il y a trente ans. Je tiens par ailleurs à remercier Jean-Louis Subileau, un urbaniste de renommée et qui a su apporter toute son expertise et son savoir faire.

 

EST-CE QUE LE PROJET DE LA CHAÎNE DES PARCS VOUS SERT D’EXEMPLE ?

Tout à fait car nous sommes en train de développer des choses similaires à la frontière du Luxembourg et à Liège. Nous nous inspirons de ce qu’on a fait chez vous. Vous avez servi de modèle et on l’exploite désormais à l’international. C’est très intéressant et j’ai beaucoup appris de cette expérience.

FICHE D’IDENTITÉ :

Michel Desvigne est un paysagiste français né à Montbéliard le 24 janvier 1958. Il a réalisé de nombreux aménagements de jardins et espaces publics, et transposé des « systèmes de parcs » américains sur de grands territoires européens, contribuant ainsi à la requalification des périphéries des villes sous forme de « lisières » épaisses, paysages intermédiaires propices à l’interaction entre le monde agricole et le périurbain. Il reçoit le Grand prix de l’urbanisme en 2011.